Pourtant je me remets aujourd'hui à mon clavier pour parler encore et toujours, et avec une objectivité absolue bien sûr, de mon roman préféré. Cela dit j'ai de bonnes excuses puisqu'il s'agit d'une lecture commune avec Pimpi et que cette fois je l'ai relu en anglais. Je m'y étais déjà essayé l'année dernière mais avec peine et labeur, cette fois j'ai réellement pu d'apprécier le style d'Austen, sinon à sa juste valeur, du moins bien mieux qu'auparavent et j'ai pris un très grand plaisir à savourer la verve de l'auteur. La précision et la concision de ses phrases m'ont fascinée autant que la richesse des sonorités que, grâce aux nombreuses adaptations que j'ai vues, je pouvais entendre tinter à mes oreilles.
J'aurais pu cependant avoir du mal à trouver quelque chose de neuf à dire sur cette histoire, sa construction exceptionnelle, sa cruauté amusée, son humour acide et ses personnages intemporels, heureusement nos très chers éditeurs y ont pourvu.
Car surprise, j'ai découvert des passages dont je ne me souvenais pas. Ma mémoire pouvait certes être défaillante, mais j'avais entendu dire que l'édition 10/18 pêchait quelque peu. J'ai donc comparé et découvert que ce sont des paragraphes entiers qui manquent dans cette traduction de V. Leconte et Ch Pressoir, qui après vérification date quand même de 1932.
un exemple, allons...
A la fin du chapitre XVIII (le bal de Netherfield) mrs Bennet se réjouit du prochain mariage de jane, la version 10/18 s'arrête à : "elle pouvait espérer voir sa fille (jane) installée à Netherfield dans un délai de trois ou quatre mois."
She should indoubtedly see her daughter settled at Netherfield, in the course of three or four month"
Mais dans l'original, le chapitre continu, "Of having another daughter married to Mr Collins, she thought with equal certainty, and with considerable, thought not equal, pleasure. Elizabeth was the least dear to her of all her children; and though the man and the match were quite good enough for her, the worth of each was eclipsed by mr Bingley and Netherfield."
Quelques lignes certes, mais où il est admis sans ambiguité que pour mrs Bennet, Elizabeth était de tous ses enfants, celle qu'elle aimait le moins et que ce mariage avec Collins était bien assez bon pour elle... Une position qui prend tout son sel quand on connait la suite.
Je n'ai pas systématiquement vérifié mais j'ai trouvé pas mal d'autres écarts au détour des pages. Comment qualifier cette traduction reprise dans les éditions Christian Bourgeois et leur version 10/18 ? Pourtant je l'ai lue, relue, offerte à de nombreuses reprises cette édition, j'enrage ! Un éditeur devrait préciser quand il effectue des coupes, il me semble, et non laisser supposer qu'il s'agit du texte intégral. Du coup, toutes les autres traduction en deviennent suspectes...
En promenade dans ma librairie préférée, j'ai jeté un oeil (aiguisé) au chapitre XVIII de l'édition du Serpent à plume et je confirme que le paragraphe précédent y figure au complet, il n'y avait pas d'autres éditions disponibles mais j'imagine que les traduction de la Pléïade et de Folio sont sérieuses.
De fait, je suis très heureuse d'avoir lu Pride and Prejudice en anglais car cela m'a apporté, outre un peu de contrariété, beaucoup de plaisir mais nul ne peut apprendre toutes les langues et nous sommes bien obligés de nous en remettre aux traducteurs et aux éditeurs... qu'au moins ils nous tiennent au courant de leurs partis pris !
Une merveille donc à lire et relire en anglais ou dans une traduction honnête.
Pride and Prejudice - Jane Austen - 1813
8/12