Confiteor, deo omnipotenti (...)*
Père, ne leur pardonne pas, car ils savent ce qu'ils font.**
Alors que son esprit se désagrège dans les brumes de la maladie, Adrià tente de se souvenir et écrit, confession ultime, une lettre à l'amour de sa vie... Enfant sans amour, prodige tiraillé entre les aspirations érudites de son père qui le veut polyglotte humaniste et les ambitions musicales de sa mère qui l'exige violoniste virtuose, Adrià grandit en adulte tout aussi doué mais effrayé par la vie et raconte et se raconte encore, mêlant amitié, livres, guerre, art, amour, violon, histoire et désespoir...
Parler d'un tel livre ressemble fort à capturer le vent pour vous le restituer, que dis-je le vent, l'ouragan. De quoi vous parlerai-je ? Du style de Cabré peut-être qui brasse dans la même phrase cinq siècles d'histoire comme rien, démarre avec un il qui devient je pour s'éloigner à nouveau mais revenir toujours. Du Mal qui guette au détour d'une condammation prononcée par Nicolau Eimeric grand inquisiteur de Gérone, exécuté par Rudolf Höss entre les barbelés d'Auschwitz, confessé par Adrià - éternel coupable par son silence. De la musique portée par un violon magique fabriqué à Crémone par un luthier légendaire. De ces monastères ombreux où l'on pense trouver enfin la paix mais qui meurent aussi. De l'amitié qui peut survivre à tout, à la fin de l'enfance, aux petites trahisons, au temps qui passe... Et bien ce roman parle de tout cela et de bien d'autres choses encore dans un style et une construction étourdissants de virtuosité, il est drôle, cruel, sensible, impressionant, érudit, magistral et vous devriez déjà être en route pour la l'acheter. Vertigineux !
Confiteor - Jaume Cabré - Acte sud - traduit (superbement) du Catalan par Edmond Raillard
*Je vous offre le Confiteor dominicain (Nicolau était un frère prêcheur), c'est moi qui souligne... mea culpa.
Je confesse à Dieu Tout-Puissant, (Confiteor deo omnipotenti)
à la Bienheureuse Marie toujours vierge,
à Saint Dominique notre père,
à tous les Saints,
et à vous, mes frères,
que j’ai beaucoup péché, par pensées,
par paroles, par actions, et par omissions.
C’est ma faute.
C’est pourquoi je vous supplie de prier pour moi
** Vladimir Jankelevitch
PS : Vous ai-je dit que ce roman se déroule majoritairement à Barcelone la belle ? Non, et bien c'est un tort...
PPS : J'ai passé un temps infini à chercher pendant et après lecture, la musique, les livres, les peintres, les lieux, les personnages historiques, Ceci en vérité est un livre-monde.
PPPS : Il aurait fallu que parle plus d'art aussi, l'art sous toute ses formes est au coeur de Confiteor...
PPPPS : D'accord demain j'arrête les post-scriptum, mais la création du monde par Adrià, c'est le saint Graal des lecteurs compulsifs... si si vous comprendrez...
El toc d'oratio - Modest Urgell - 1876