Du côté de chez Swann est le premier tome de La recherche du temps perdu. Ce roman qui commence par le plus fameux incipit de la littérature française - Longtemps je me suis couché de bonne heure - se divise en trois parties distinctes. Dans la première - Combray - le narrateur, se remémorant les différentes chambres qu'il a connu dans sa vie, plonge peu à peu dans les souvenirs d'une enfance protégée et en particuliers de ses vacances de pâques qu'il passait à Combray - village à la prévisibilité rassurante - où le temps s'écoulait entre lectures paresseuses, diners familiaux, angoisses nocturnes et longues promenades. La géographie sensible du narrateur se scinde alors en deux directions, le côté de chez Swann - tout d'odeurs et de sensualité, et celui de de Guermantes incarnant réussite et mondanités. La seconde partie, roman dans le roman, détachée mais résumant et annonçant tous les thèmes de la Recherche, conte la dévorante passion de Swann - personnage récurrent de la première partie et double fantasmé - à moins que ce ne soit modèle - du narrateur - pour Odette, une "presque cocotte". La dernière partie enfin, revient au narrateur et à ses longues rêveries de voyages s'enroulant autour de noms de lieux qu'il rêve de visiter...
Dis ainsi, cela vous parait-il ennuyeux ? Et bien cela ne l'est pas !
Il n'est guère de lecteurs francophones qui ignorent le nom de Proust et son goût pour les petites patisseries courtes et dodues - expérience de mémoire involontaire devenu symbole absolu du phénomène. Pourtant la rumeur conseille d'éviter l'homme aux phrases trop longues et, jusqu'au mois dernier, je n'en savais guère plus sur l'auteur et son oeuvre cathédrale. Certes je me disais de temps à autres, qu'un jour peut être... et puis vinrent les livres audio. Car tout a commencé ainsi... Un livre audio, un long trajet en voiture et la voix d'André Dussolier me lisant Sur la lecture - préface de Proust à l'une de ses traductions de Ruskin et premières réminiscences de Combray. Quel choc ce fut ! J'ai enchainé avec Du côté de chez Swann et comme André n'allait pas assez vite, je me suis mis à le lire en parallèle. Au rythme de mes trajets et de mes soirées, je lisais ce que j'avais déjà écouté, j'écoutais ce que j'avais déjà lu, je relisais, je réécoutais, je baignais dans ce monde lumineux et coloré, c'était magnifique - c'est magnifique. Peut être ai-je atteint l'âge de la nostalgie car je fut instantanément conquise. Pour ceux qui comme moi, ne se sont jamais approchés du monstre, c'est en effet de cela qu'il s'agit. Le temps perdu, c'est le passé qui ne revient plus, celui qui renferme les trésors de nos expériences, de nos sensations, de l'influence de l'art sur nos sens, le souvenir de l'amour, de la jalousie, de la souffrance, de la vie en somme. Une pure merveille qui se lit lentement car elle vous entraine et vous perd dans les méandres de ces longues phrases songeuses, précises, étincelantes qui vous poussent à la rêverie et la méditation à chaque détour de phrase. On dit que la Recherche est le premier roman moderne, c'est aussi un long poême en prose, une reflexion sensible sur l'humain, un monde en soi, et encore autre chose sans doute qu'il me reste à découvrir. Monumental et fantabuleux !
Du côté de chez Swann - Marcel Proust - 1913
PS : Depuis j'ai lu deux essais sur Proust, deux biographies, vu les trois adaptations cinématographiques tirés de la Recherche et j'en suis à la moitié du tome 3 - Du côté de Guermantes - et c'est toujours aussi bon :-)
PPS : Je sens que je devais vous dire d'autres choses sur Vinteuil, sa fille et sa sonate, les aubépines, les asperges, Françoise et la Charité de Giotto mais il ya beaucoup trop à dire, je ne saurais même pas par où commencer... essayez donc !
PPPS : Je vous ai dit qu'il y a des passages franchement drôles et acides ?
PPPPS : Je sais j'ai l'enthousiasme... enthousiaste mais bon, vous me connaissez, obsessionnelle est mon deuxième prénom...