Automne 1918, dans les tranchées on attend la fin de la der des der en essayant de se faire le plus petit possible. Enfin peut-être pas tout le monde, certains officiers espèrent sans doute un ultime fait d'arme qui leur assurerait une dernière tranche de gloire assaisonnée d'une petite breloque voire d'une promotion et tant pis pour le glaçage de morts. De là, à provoquer toute l'affaire, il n'y a qu'un pas... Et dans le tourbillon de fer et de feu de la cote 113, trois hommes vont se retrouver liés à jamais, Albert petit comptable quelque peu falot, Edouard flamboyant fils de famille en rupture de ban et Henri - mais nous l'appellerons plutôt Pradelle - profiteur de guerre qualifié et je dirais assumé.
Dans une France ravagée par la guerre, glorifiant ses morts mais avide d'oublier des survivants mutilés, traumatisés et pour tout dire bien peu décoratifs, les affaires restent les affaires et l'époque se prête prodigieusement aux trafics et arnaques en tout genre. Et après tout, si le pays ne les aide pas, certains n'ont-ils pas quelque droit à exiger réparation d'une façon ou d'une autre...
Bon avouons-le c'est un roman plutôt glauque que nous avons là : une période à la limite du sordide, des personnages qui ne sortent pas vraiment grandis de leurs épreuves et restent bien peu attachants - quand ils ne sont pas tout bonnement immondes, mention spéciale au monumental Pradelle - et une intrigue certes fort habile mais qui donne une image peu ragoûtante de l'humaine nature. Notez bien que l'arnaque des poilus - contrairement à celles (au pluriel) de leur officier - a quelque chose de sympathique voire de grandiose et on en arrive à souhaiter qu'elle réussisse. Car la grande qualité de ce roman, outre un style excellent, est cette maitrise dans la conduite de l'histoire – cet emboitement d'arnaques en miroir - qui culmine en un véritable suspens. Je ne suis pourtant pas amatrice du genre - je fuis les thrillers comme la peste - mais là, je me suis laissé prendre au jeu. Si je devais chercher la petite bête, je dirais qu'entre un début grandiose - un premier chapitre d'anthologie - et une fin picaresque, le rythme faiblit un tantinet mais pas de quoi gâcher mon plaisir de lecture. Cruel !
Au revoir là haut - Pierre Lemaître - 2013 - Albin Michel
P.S. Le magnifique titre de ce roman est tiré de la dernière lettre de jean Blanchard, fusillé pour trahison en 1914 - réhabilité en 1921 « Je te donne rendez-vous au ciel où j'espère que Dieu nous réunira. Au revoir là-haut, ma chère épouse... »
P.P.S. Sur cette période de l'après première guerre, je ne saurais trop recommander dans un autre genre - un rien moins glauque - Un Long dimanche de fiançailles de mon très aimé Sébastien Japrisot et son adaptation cinématographique éponyme par l'excellent Jean-Pierre Jeunet.
Une Lecture commune avec Julie des Magnolias...