Le personnage principal est encore une fois une jeune fille mais son extrème jeunesse et sa candeur sont bien plus au coeur de l'intrigue que sa personnalité encore mal définie.
Catherine Morland, deuxième fille d'une nombreuse fratrie, se voit offrir la perspective d'un séjour à Bath, ville très à la mode, en compagnie de riches amis. Pour une jeune personne de 17 ans issue d'une famille aux moyens relativement réduits, c'est une occasion inespérée de voyager et de se faire des relations. Très vite cependant de multiples pièges vont s'ouvrir sous ses pas, son extrème naiveté en faisant une proie facile qui inspire au demeurant plus le rire que la compassion... car réellement, de faux amis en soupirant aussi insupportable que malavisé, de relations intéressées en mauvais conseils, elle ne voit rien, n'entend rien et ne comprend pas grand chose... Heureusement son honnêteté foncière et sa franchise rachètent un peu le tout et lui permettent de se sortir finalement plutôt bien de cette expérience hasardeuse.
Jane Austen aimait bien les fins heureuses c'est un fait mais cette charmante satire lui permet d'effleurer en passant quelqu'unes de contraintes voire des dangers qui guettaient les femmes de l'époque. Cette adolescente sans la moindre expérience se retrouve en quelques sorte jetée en pâture aux lions. Certes ce sont des lions policés bien vêtus et parlant un anglais chatié mais ce n'en sont pas moins des prédateurs à l'affût, chassant pour leur propre compte et attentifs à leurs seuls intérêts. Et certaines décisions, certaines erreurs peuvent engager une vie tout entière.
L'autre aspect réjouissant de ce roman est la façon dont Jane Austen traite du romantisme gothique. L'imagination de Catherine, enfiévrée par ses lectures, s'emballe dès qu'il est question de vieilles pierres, châteaux évidemment hantés ou abbayes forcément mystérieuses. Elle en arrive à se forger les idées les plus saugrenues, les plus prévisibles, mais si sauvagement romantiques...
Après avoir vertueusement rappelé qu'un auteur comme elle ne saurait se moquer des lecteurs de romans, miss Austen épingle avec jubilation les clichés chers aux amateurs de gothique... et comme elle devait les connaitre à fond, ces romans, pour si bien viser.
Encore une fois un livre délicieux, apparemment léger et vraiment drôle mais à l'ironie mordante sous la dentelle. J'adore !
L'avis de Lilly,
Pour mémoire, les critiques des autres oeuvres de Jane Austen dont j'ai déjà parlé ici :
Orgueil et préjugés
Raison et sentiments
Persuasion
Northangey abbey - Jane Austen - 1818 - 10/18