En plein conflit entre Jacobites et Orangistes, Charles Leslie partisan irlandais du roi Jacques en exil, parcourt l'Ecosse à la recherche de témoignages mettant en cause les compétences et la légitimité du roi protestant Guillaume. Entendant parler du massacre de tout un clan perpétré dans la vallée de Glencoe peut-être sur ordre royal, Charles tente d'en apprendre plus et pour se faire obtient la permission d'interroger un témoin du massacre, une femme, accusée de sorcellerie et qui doit être brûlée dès que le dégel le permettra. Seulement Corrag n'accepte de raconter le massacre qu'à la condition que Charles écoutera d'abord le récit de sa vie. Surmontant sa répugnance au nom de son allégeance, il accepte de revenir jour après jour dans le cachot de la sorcière et d'écouter ce qu'elle tient tant à lui dire. Assis raide et sévère sur sa chaise, aussi loin que possible de la prisonnière, Charles s'apprête sans le savoir à vivre une expérience qui va bouleverser les fondements même de son existence.
Ce roman est un bijoux, poétique, limpide, lumineux, admirablement construit autour d'un fait historique, le fameux massacre du 13 février 1692 à Glencoe qui peut être considéré autant comme un épisode de rivalité entre clans que comme une exaction orangiste contre les remuants highlanders (et peut être tient-il des deux), ce roman nous montre les highland à travers d'une part la vision d'une femme, étrangère - elle est anglaise -, sans attache, trop libre pour être acceptée ailleurs, pour qui le mot roi sent la poudre mais qui place la vie au dessus de tout, et d'autre part celle d'un homme engagé, partisan, rigoriste, plein de préjugés mais également mari et père affectueux. A l'abris de l'obscurité du cachot et de la luminosité du récit de Corrag, ces deux êtres vont contre toute attente se comprendre et Charles accéder à une humanité que son éducation lui refusait depuis toujours. Tout est magnifique dans ce roman, les personnages vibrants, le cadre sublime qui prend vie par la magie du verbe de la sorcière qui, totalement analphabète, fait chanter des mots tout simples pour célebrer la vie, l'histoire enfin prenante de bout en bout tant on se demande à la fois ce qui est finalement arrivé à Glencoe et quel sera le sort de Corrag. Une merveille absolue, aussi limpide que l'eau glacée des loch des highlands. Magique !
Un bûcher sous la neige - Susan Fletcher - 2010 - traduit de l'anglais par Suzanne Mayoux - Plon
Les avis de : Allie, Brize, Cathulu, Chiffonnette, Claire, Clara, Fashion, Liliba, Marie, Papillon, Sandrine, Théoma, Yspaddaden...
PS : Bien que nous soyons dimanche (et le dimanche c'est poésie), ce livre me semble assez poétique pour inaugurer en ces lieux le mois écossais organisé par Cryssilda et Lou et joyeusement baptisé mois Kiltissime. Slainte mhor !
PPS : En l'honneur de ce mois particuliers, Cryssilda (oui encore elle) m'a rebaptisée "Pota uisge beatha" (cette femme me connait), qui saura découvrir la signification de cet allègre sobriquet ?
PPPS : Je n'aurais certes pas raté l'occasion d'utiliser un si séduisant logo