Grâce à Cryssilda, j'ai la chance de disposer d'un nouveau recueil de poèmes qui, à peine reçu, s'est ouvert de lui-même (était-ce un signe ?) à la page de ce très beau poème nordique (l'a-t-il écrit pour moi ?) de Nerval.... Merci sublime Cryssilda d'initier ainsi un cycle Nerval en ces lieux !
Il était un roi de Thulé
A qui son amante fidèle
Légua, comme souvenir d'elle,
Une coupe d'or ciselé.
C'était un trésor plein de charmes
Où son amour se conservait :
A chaque fois qu'il y buvait
Ses yeux se remplissaient de larmes.
Voyant ses derniers jours venir,
Il divisa son héritage,
Mais il excepta du partage
La coupe, son cher souvenir.
Il fit à la table royale
Asseoir les barons dans sa tour ;
Debout et rangée alentour,
Brillait sa noblesse loyale.
Sous le balcon grondait la mer.
Le vieux roi se lève en silence,
Il boit, - frissonne, et sa main lance
La coupe d'or au flot amer !
Il la vit tourner dans l'eau noire,
La vague en s'ouvrant fit un pli,
Le roi pencha son front pâli...
Jamais on ne le vit plus boire.
Gérard de Nerval (1808-1855)