En route pour des funérailles, Héléna se souvient de l'été 39, le dernier été où les cousins se sont rassemblés dans la maison du bord de la falaise, sur la fameuse pelouse de camomille qu'elle avait tenu à planter et qui n'aurait jamais dû pousser. L'été où Max et Monika, les refugiés autrichiens, sont entrés dans leur vie, l'été qui a marqué pour chacun le début d'une autre vie...
A travers les années de guerre des membres de cette famille cabossée, Héléna la tante si dure, Richard l'oncle engoncé dans sa peur de ne pas être reconnu, Calypso la belle, Oliver l'idéaliste, Walter le boute en train, Polly la pragmatique, Sophy la rêveuse, ce beau roman cible les changements profonds, les peurs inédites, mais aussi une certaine libération induites par les circonstances exceptionnelles liées à la guerre. Les hommes engagés vont et viennent, les femmes restent seules à l'arrière, les convenances perdent de leur importance, les moeurs se relachent, des comportements impossibles quelques mois plus tôt deviennent parfaitement acceptables. 45 ans plus tard, certaines choses sont-elles encore concevables par ceux qui ne les ont pas vécues ?
J'aime les romans anglais, cela se sait, et une fois encore je me suis laissé séduire par ces personnages empêtrés dans des sentiments qu'ils ne savent comment exprimer voire qu'ils nient avec energie. J'ai lu que Mary Wesley passait pour une vieille dame indigne (elle a publié son premier roman à 70 ans), je comprends pourquoi. On est aussi loin, ici, de la bluette que de la morale conventionnelle. L'écriture est mordante, les portraits très justes, les caractères subtiles, les moins sympathiques eux-mêmes finissant par montrer des facettes attachantes. Délicieux avec une pointe dérangeante so british.
La pelouse de camomille - Mary Wesley - 1984 traduit de l'anglais par Samuel Sfez - Le livre de poche