Dans la seconde moitié du XIXe siècle à Saint-Pétersbourg, un jeune étudiant désargenté décide de commettre un crime pour sortir de la misère et assurer son avenir, justifiant son action par l'inutilité et le caractère répugnant de sa victime. Malheureusement le plan si bien planifié se révèle semé de chausse-trappes et d'imprévus et Rodion Romanovitch Raskolnikov peine à garder le contrôle tant des événements que de ses propres actes...
Crime et châtiment est une oeuvre assez déroutante, extrêmement moderne par ses propos et son point de vue, mais représentative d'une certaine écriture XIXe étalant à profusion des interrogations morales sur le mode exalté. Ce roman psychologique avant la lettre explore les esprits tourmentés d'une galerie de personnages plutôt variés et dans l'ensemble assez peu ragoûtants. Leurs affrontements sont souvent grandioses et certains dialogues relèvent de la pure grandeur mais j'ai eu beaucoup plus de mal avec les longues séances d'introspection exaltée qui m'ont plus d'une fois menée à l'interruption volontaire de lecture. Pour y revenir cependant car c'est un roman qui ne se laisse pas plus facilement qu'il ne se lit.
Je comprends que Raskolnikov ait exercé une telle fascination sur les lecteurs et les écrivains, aujourd'hui on pourrait parler d'archétype, cet étudiant révolté, en rupture avec les valeurs de son milieu, amoureux des idées et de l'esprit au point d'en oublier son corps, affamé jusqu'à la transe, ennemi du sentiment au nom de la grandeur, quelque forme qu'elle puisse prendre fut l'un des premiers d'une longue série. Son chemin de croix tient du rituel initiatique version rude, avec au bout du chemin une possible rédemption qui ne peut venir que de l'amour, amour de Dieu ou amour des hommes à moins que le propos soit justement de montrer que les deux choses sont si indissociables que renier l'une c'est renier l'autre. D'autres personnage peuvent faire figure d'archétype, Sonia la prostitué malgré elle en sainte pécheresse, Loujine l'abjection faite homme, Svidrigaïlov le noceur qui voit, lui, sa rédemption lui échapper et trouve la seule issue possible, Porphyre l'enquêteur psychologue s'appuyant plus sur sa compréhension de l'homme que sur les faits brutes. Assez ironiquement, les seules personnages sympathiques, Dounia et Razoumikhine, sont finalement les moins intéressants, présents seulement pour faire avancer l'histoire qui tournerait vite au chaos intégral s'ils n'étaient pas là pour l'ancrer dans une certaine normalité... comme dans la vie peut être. Une chose est certaine, je ne regrette pas de m'être attaquée à ce sommet et je suis tout aussi heureuse d'en avoir terminé mais il me fournira certainement longtemps en sujets de comparaisons et méditations interminables et je garderai en mémoire certains moments de pure magnificence littéraire. Russo-monumental !
Crime et châtiment - Dostoïevski - 1866 - traduit du russe par D. Ergaz. (traduction de la pléïade) - folio classique
PS : L'édition folio classique est dotée de magnifiques ligatures typographiques qui ont beaucoup troublé la camarade de lecture Karine, dont vous pouvez lire l'avis ici.
PPS : Si j'en crois la camarade Isil, qui s'est plongée dans Guerre et Paix à l'occasion de la semaine russe, la consommation de vodka frappée peut être heureusement associée à la lecture des grands auteurs russes... Une astuce que je note pour l'avenir.
PPPS : Lu justement (et in extremis) dans le cadre de la semaine russe organisée, je crois, par la camarade-pota Cryssilda (corrigez-moi si je m'égare)
PPPPS : Et pendant que j'y pense, ce roman va parfaitemetn s'inscrire dans mon challenge nécrophile (car je suis bien entendu inscrite au challenge nécrophile de ma twin-camarade fashion.