Voilà trop ravie d'avoir trouvé un amateur de Van Gulik et d'avoir contribué (bien modestement) à le faire connaitre, je fais un article rien que pour lui, et toc ! et soudain je me dis que je m'attelle peut être à une tâche un peu lourde. Bon on verra.
les enquêtes du juge Ti se déroulent dans la Chine des T'ang qui reste dans la mémoire collective chinoise, au même titre que la dynastie des Ming, comme une période faste. Ces diverses aventure, outre qu'elles sont prenantes et bien construites, font revivre cette chine dans le moindre détail. Le charme qui s'en dégage vient probablement de là, un peu comme si on embarquait dans une machine à voyager dans le temps (et l'espace en ce qui me concerne). En même temps Van Gulik sait fort bien nous rendre les personnages sympathiques. On dit que le sinologue le plus chatouilleux ne peut trouver aucune erreurs dans ses descriptions et ses personnages, après tout il était lui même un grand sinologue.
Ti jen tsie, le fameux juge Ti est un personnage réel né en 630 mort en 700. Il est connu pour des raisons historiques mais surtout il a servi dans un certain nombre de romans et de pièces de théatre populaires de "juge de référence". on racontait une histoire de meurtre ou de vol (polar déjà) et l'affaire était résolu par le juge Ti ou par un autre juge aussi célèbre.
Quand Van Gulik dans les années quarantes découvre ces "romans policiers" chinois, il décide d'en faire profiter tout d'abord les lecteurs chinois et japonais. Il vit alors au Japon inondés après guerre de polars américains bas de gamme. Pour ce faire il traduit un authentique roman policier du XVIe siècle en anglais. L'idée étant de transcrire sa version en chinois moderne et en japonais et de la faire publier en poche dans les deux pays. Ce qui est fait. Puis finalement il publie également la version anglaise sous le titre "Dee Goong An" (Trois enquêtes résolues par le juge Ti). Le succès est immédiat.
Il écrit donc une nouvelle histoire, puis deux puis trois. Il pioche toujours ses idées dans sa vaste connaissance de la littérature classique chinoise mais desormais il compose lui-même ses intrigues. Il parait que ça le détendait entre deux tâches (il était diplomate de carrière) il y a des jours où on se sent vermisseau.
Pour illustrer lui-même ses romans il se met à étudier l'art pictural Ming, et comme on lui réclame des femmes nues en couverture (ça fait vendre) il se lance dans l'étude de l'érotisme chinois - ce qui aboutira à deux ouvrages de référence : "La vie sexuelle dans la Chine ancienne" et "Erotic color prints of the ming period" (non traduit). Il était comme ça Van Gulik, pas le genre à faire les choses à moitié.
Voici ce qu'en dit Simon Leys autre sinologue que j'apprécie beaucoup : "A partir de la Chine comme terre nourricière, il était capable d'écrire aussi bien des romans policiers, qu'une étude magistrale sur la peinture, un essai sur la vie sexuelle, des traité sur la musique, sans oublier une analyse sur le cri des gibbons. Tout cela correspondait à une authentique pratique de vie : si van gulik composait des textes en chinois classiques, ce qui est unique chez les sinologues, s'il était bon calligraphe, s'il gravait des sceaux, s'il jouait très bien de la cithare, ce n'était pas par snobisme mais pour se cultiver et sa science allait de pair, comme on le voit dans ses écrits, avec le plaisir."
Bon et bref après tout ça, si vous ne courrez pas vous acheter le premier Juge Ti que vous voyez... j'ajoute pour gaire bonne mesure qu'ils sont constamment réédités avec les gravures d'origine mais dans le désordre les gravures, certaines ne sont pas dans les bons bouquins. Avec un peu de pratique (lecture et relecture) on peut les remettre dans l'ordre. dernière enigme involontaire de Ti Jen tsi, lettré, magistrat puis conseiller d'état de l'empire des T'ang.
Chronologie des enquêtes du juge Ti par Robert Van Gulik (publiés chez 10/18)
Le juge Ti est née en 630 à Tai-yuan, province de Chan-si. il y passe avec succès ses examens littéraires et devient fonctionnaire. Après quelques années passées dans la capital Tch'ang-ngan, il est nommé magistrat provincial en 663. Voici la liste de ses enquêtes :
En poste à Peng-lai (proche de la frontière coréenne) : "Trafic d'or sous les T'ang", "Le paravent de laque" (en voyage)
En 666, il est nommé à Han-yan : "Meurtre sur un bateau de fleur", "Le matin du singe" dans "le singe et le tigre", "Le monastère hanté"
En 668, il est nommé à Pou-yang : "Le squelette sous cloche", "Le pavillon rouge"(en voyage), "La perle de l'empereur", "Le collier de la princesse" (en voyage), "Assassins et poètes" (en voyage).
En 670, il est nommé à Lan-fang : " Le mystère du labyrinthe", "Le fantôme du temple"
En 676 il est nommé à Pei-tchéou : "L'énigme du clou chinois", "La nuit du tigre" dans "Le singe et le tigre"
En 677, il devient président de la cour métropolitaine de justice et s'installe dans la capitale : "Le motif du Saule" "Meurtre à Canton"
Il meurt en 700
A ces titres il faut ajouter outre "trois enquêtes résolues par le juge Ti" dont j'ai déjà parlé, un autre recueil de nouvelles : "Le juge Ti à l'oeuvre" et pour clore le tout "Van gulik : sa vie son oeuvre" Wetering 10/18 1987.

traduction : Robert Van Gulik