Ethan Muller est un galeriste new-yorkais en vogue autant par passion pour l'art que par la volonté affichée de se démarquer de son milieu familial, une riche et impitoyable famille de requins de l'immobilier. Cependant quand l'homme de confiance de son père lui propose de venir expertiser une énorme quantité de dessins entassés dans un appartement abandonné d'une des résidences paternelles, il n'hésite pas longtemps avant de s'approprier le tout et d'organiser une première exposition. Il faut dire que ces dessins sont d'une qualité exceptionnelle, formant un puzzle immense et hallucinant de visages, silhouettes, horreurs et merveilles et que l'auteur présumé reste introuvable. Tout parait aller pour le mieux au pays du cynisme, jusqu'au jour où un policier à la retraite apprend à Ethan que l'un des visages représentés est celui d'un enfant assassiné quelque quarante ans plus tôt...
Les visages est un roman foisonnant, difficile à classer, un peu polar car il y est bien question d'une enquête et même de plusieurs, un peu pamphlet par sa critique acide du milieu de l'art contemporain, essentiellement roman d'apprentissage et de filiation, exploration minutieuse d'une dynastie férocement décidée à réussir par tous les moyens quelque en soi le prix humain. La construction est étonnante d'habileté, les pans de l'histoire s'imbriquent minutieusement autour d'Ethan, du XIXe siècle à nos jours, remontant pièce par pièce une machinerie étonnamment complexe. Un roman très visuel, captivant et bien écrit (et traduit) qui reste présent à l'esprit bien des mois après la lecture (et pour un peu me réconcilierait avec les polars). Excellent !
Les visages - Jesse Kellermann - traduit de l’américain par Julie Sibon - Sonatine - 2009
Un grand merci à Stéphanie pour le prêt, son avis ici, avec celui de Cuné, d'Amanda, d'Ys, du Papou...