Harry White a apparemment tout pour être heureux, des parents aimants, des amis, un bon travail ou il réussit parfaitement, bientôt une femme parfaite. Pourtant Harry ne reste jamais heureux longtemps car quelquechose le ronge de l'intérieur. Sans cesse il doit chercher de nouvelles façon de juguler cette soif incompréhensible de transgression qui le rend physiquement malade, l'empêche de penser, le poussant toujours plus loin à la recherche d'un apaisement toujours plus éphémère. Souvent il croit trouver la solution à son mal être pour replonger toujours plus profondément, tentant de plus en plus difficilement de sauvegarder les apparences...
Selby est un auteur dérangeant, j'avais lu Last exit to Brooklyn quand j'étais adolescente et j'ai retrouvé le même malaise dans ce roman, ce même côté malsain des personnages. De multiples thèmes se superposent ici, une peinture au vitriol de l'american way of life, parfaite et lisse en surface mais potentiellement gangrenée jusqu'à la moelle, une description sordide des rapports homme femme, des obsessions sexuelles et religieuses sous jacentes et par dessus tout, une description "de l'intérieur" presque clinique d'une addiction, dépendance à la peur et à l'adrénaline ici mais qui s'inspire très certainement de celle que l'auteur a connu lui-même pour d'autres substances. A moins que ces descriptions n'aient représenté une sorte de thérapie pour lui. Les périodes de tension, de satisfaction, de descente et de manque sont décrites de façon aussi physique que psychologique et sont par la même profondément dérangeantes à la limite du dégoût ou d'ailleurs largement au-delà. Il y a une puissance dans l'écriture et les personnages de Selby qui accroche, fascine et hante l'esprit du lecteur mais ne laisse pas indemne. Tourmenté !
Le démon - Hubert Selby Jr. - 1976 - Traduit de l'anglais (américain) par Marc Gibot - 10/18