1962, Jackson Mississipi, une petite ville bien tranquille où il fait bon vivre. Pour les familles blanches qui en ont les moyens, il est bien entendu obligatoire d'avoir une bonne noire qui entretient la maison, fait la cuisine, élève les enfants et de préférence évite d'utiliser les mêmes toilettes que la famille. En un mot, tout va pour le mieux dans un monde où chacun reste à sa place. Ailleurs dans le pays, le mouvement pour les droits civiques s'agite, un jeune pasteur noir commence à fédérer autour de lui, mais tout cela semble si loin du Mississipi.
Aibileen aime profondément la toute petite fille de ses employeurs mais pleure en secret son fils mort par négligence, Minny a du mal à garder une place malgré ses talents de cuisinière, incapable qu'elle est de garder profil bas, Skelter, elle, vient d'une vieille famille blanche et aisée mais à son retour de l'université, elle ne retrouve pas la douce Constantine qui l'a élevée depuis sa plus tendre enfance. Entre ses trois femmes que tout sépare, l'âge, le caractère et la condition, va se nouer la plus improbable des amitiés, improbable, interdite et dangereuse !
La couleur des sentiments, The help en anglais comme le livre que ces trois femmes vont écrire ensemble sur la vie des bonnes noires du sud, est un roman magnifique, profond, riche, complexe, drôle parfois, triste et même dur sans jamais tomber dans le manichéisme, le pathos ni le sordide. Personne n'est parfait dans cette histoire, ni les noirs, ni les blancs, quoique certains soient particulièrement gratinés. Le ressentiment et la souffrance ne rendent pas forcément noble comme l'aisance ne rend pas systématiquement insensible. La peur mine les relations, peur viscérale de la violence, peur de voir les choses changer, peur de la différence tout simplement. Mais ce livre dégage aussi gaité et chaleur humaine, celle de ces femmes, de leur amitié, de leur solidarité, de l'amour véritablement filiale qui se tisse avec les enfants qu'elles élèvent, et d'un appétit de vivre qui tient bon devant les épreuves et sait même en rire parfois. Les personnages sont tous merveilleusement campés, qu'on les aime ou non, et on a bien du mal à les quitter quand la dernière page se tourne. Superbe !
La couleur des sentiments - Kathryn Stockett - 2009 - traduit de l'anglais (américain) par Pierre Girard - Editions Jacqueline Chambon, Actes Sud, 2010
L'avis de Cuné (que je remercie pour son prêt), d'Amanda, de Fashion, choupynette, Anjelica, Joelle et beaucoup d'autres...
PS : J'ai testé pour vous la recette de poulet frit que Minny tente d'enseigner à Célia... grand succès !