Dans la communauté juive hassidique de Brooklyn, il n'est pas de place pour la futilité de l'art. Lorsqu'un de ses membres, tout jeune fils d'un important émissaire du Rebbe, révèle une passion inquiétante pour le dessin, chacun est persuadé que ces puérilités n'auront qu'un temps et qu'en grandissant l'enfant saura se consacrer à l'étude avec tout le sérieux requis. Pour le jeune Ashev cependant, renoncer à son don même pour satisfaire des parents qu'il révère, s'avère une épreuve insupportable. Peu à peu, il se rend compte qu'être soi-même peut mener à des choix cruels pour lui comme pour les autres...
C'est une conversation enthousiaste avec Cécile autour de Hadassa (mon coup de coeur de l'été), de la religion en général, des traditions et du judaïsme en particulier qui m'a amené à ce livre (en fait qui a amené ce livre dans ma boite aux lettres, encore merci Cess pour ce beau présent), et quelle belle découverte ce fut. Tout d'abord pour cette plongée dans une communauté plus que jamais fermée sur elle-même dans ces années cinquante où aux souvenirs de la guerre s'ajoutent, pour ces ashkénazes originaires d’Europe de l'est, les nouvelles d'une Union soviétique aussi antisémite que la Russie tsariste. Mais aussi et surtout pour cette confrontation entre deux univers incompatibles (et pour moi aussi exotique l'un que l'autre) - celui de la famille - au sens large -, de la religion et de tout ce que Ashev connait d'un côté, celui de ses aspirations de l'autre. Des aspirations tyranniques, incontournables, obsessionnelles le contraignant à des choix qui - il le sait - susciteront incompréhension et souffrance autour de lui. Cette passion exigeante m'a souvent rappelé Corps et Âmes de Franck Conroy, autre éblouissante trajectoire d'un Wunderkind mais dans le monde de la musique. Chaïm Potok a l'art de tracer des portraits puissants, celui d'un père aimant mais incapable de comprendre son enfant, celui d'une mère déchirée entre son fils, son mari mais aussi les impératifs de sa religion qui la pousse à choisir une voie de dévouement aux autres, à la communauté. Choix que chacun attend d'Ashev et qu'il ne peut se résoudre à faire. Fascinant !
Je m'appelle Ashev Lev - Chaim Potok - 1972 - traduit de l'anglais (américain) par Catherine Gary et Fabrice Hélion
PS : Il y a une suite – Le don D'Ashev Lev, écrite dix-huit ans plus tard et qui m'appelle...
PPS : Non je n'ai jamais écrit de billet sur Corps et Âme, honte sur moi, mais lisez-le, il le vaut bien...
Je crois bien que ce livre peut s'inscrire dans le mois américain de Noctambule, comme ça tombe...