Depuis neuf jours, Achille debout, inconsolable, sur son char, va et vient sous les remparts de Troie, trainant dans la poussière le corps nu et saignant d'Hector. Mais pas plus que la mort de l'ennemi, la profanation de son corps n'amène le repos à son esprit ravagé par le deuil. Depuis neuf jours, du haut des murailles, Priam grand roi de Troie contemple en souffrance le corps de son fils jour après jour profané et souillé. Et puis au cours d'une nuit d'insomnie mêlée de mauvaise somnolence, une vision le trouble et lui fait entrevoir l'ombre d'une issue...
David Malouf revisite donc ici la célèbre visite de Priam à Achille - un père en chemise dépourvu de tout attribut royal venu supplier un autre père de lui rendre son fils mort contre un trésor de métal devenu sans valeur - et fait d'un des plus émouvants passages de l'Iliade une sublime méditation sur la vie, le temps, la vanité des apparences et de la place de chacun en ce monde - De la peine cruelle jusqu'à devenir inexprimable de ces archétypes, le roi et le héros, nait la sagesse, l'acceptation, de deuil, l'homme enfin, dépouillé de ses oripeaux d'apparat et soudain nu devant l'autre si semblable à lui-même. De quoi nous parle exactement l'auteur ? Je me suis souvent posé la question pendant ma lecture et toutes sortes d'idées se sont bousculées et se bousculent encore dans ma tête, de la guerre certainement - vain divertissement de dieux cruels aux dépens de mortels abusés, l'entêtement des apparences qui mène à la souffrance et aux regrets, l'aveuglement né de postures qui font passer à côté de l'essentiel, bien d'autres encore qui font de ce bijoux de livre écrit (et traduit) dans une langue magnifique un inépuisable sujet de réflexion et de plaisir. Préparez-vous à goûter la tranquillité fragile d'une journée de trêve, le froid de l'onde, la chaleur du soleil, l'âpreté de la poussière, en bringuebalant doucement au rythme d'une carriole menée par deux vieux hommes aussi différents et semblables que possible. Magnifique !
Une rançon - David Malouf - traduit de l'anglais (Australie) par Nadine Gassie - 2013 - Albin Michel
PS : Deux questions se posent, pourquoi diable n'ai-je pas plus entendu parler de cette merveille de la rentrée ? et comment ai-je pu passer jusqu'ici à côté d'un auteur australien à l'écriture aussi sublime ? Je DOIS lire autre chose de lui...