C'est une vérité universellement reconnue qu'un mois anglais digne de ce nom ne saurait être complet sans Jane Austen. Alors certes j'ai déjà chroniqué Raison et Sentiments et dit tout le bien que j'en pensais, et Tolkien sait que j'en pense grand bien, mais le mois anglais sévissant, J'ai pensé faire une pierre trois coups et persévérer dans mes relectures d'Austen en Anglais (quelle langue magnifique elle écrivait) tout en testant mon tout nouveau jouet liseur (pensez donc tout Jane dans ma poche). Tout concourait donc à me pousser à la relecture (encore une fois) de ce merveilleux roman (Qui a dit qu'il m'en fallait peu, qu'il se dénonce).
Et comme de bien entendu, j'ai pris grand plaisir à retrouver Elinor et Marianne, leur entourage, leur mère fantasque, leur famille si peu méritante, leurs amis et plus si affinités... Jane Austen a sans doute mis beaucoup d'elle-même dans le personnage d'Elinor, fine observatrice, attentive aux autres, sensible mais pragmatique, toute en profondeur et retenue. Et quel beau contraste avec Marianne, affectueuse et brillante mais adolescente type à une époque où le concept même d'adolescence n'existait pas. Avec sa soif d'absolu, son refus de toute compromission, son égoïsme aveugle et son manque de mesure elle pourrait évoluer dans un roman contemporain sans détonner. L'étonnante modernité des personnages évoluant sur une toile de fond à mes yeux délicieusement désuète est sans doute ce qui me fascine le plus chez Jane Austen avec peut être le côté acéré de son trait. En relisant, je me disais une fois encore que les Dashwood, le frère et la belle-soeur, appartenaient de droit à mon panthéon d'affreux, être tellement secs, égoïstes, obtus et obnubilés par l'argent tout en se posant en parangon de respectabilité mérite une citation exemplaire à l'ordre du démérite. Mais en même temps comment ne pas les aimer un tout petit peu quand la plume au vitriol de leur créatrice en brosse un portrait aussi réjouissant.
Qu'ajouter ? sinon que ce qui m'a particulièrement frappé cette fois, c'est la construction parallèle du roman. En partie masquée par le brillant des personnages, elle se révèle à la relecture particulièrement rigoureuse. Les deux soeurs sont confrontées à des épreuves très similaires mais leurs comportements respectifs divergent largement et c'est cette différence qui est bien sûr au coeur du roman. Reprenons donc, un cadre social merveilleusement vivant et exotique, des personnages complexes, une plume aussi cruelle qu'élégante : un livre à lire et à relire !
Sense and Sensibility - Jane Austen - 1811
PS : Tiens je n'ai pas parlé de mes comparaisons de traduction, comme d'habitude il m'a semblé repérer des passages que je n'avais pas lu en français et j'ai commencé à comparer mes versions mais emportée par la plume austenienne, je n'ai rien noté - Shame on me !
PPS : Le style d'Austen est vraiment sublime en anglais, comme pour Persuasion, il m'est venu des envies de lecture à haute voix, si seulement mon accent me le permettait.
Lu dans le cadre du mois anglais de Cryssilda,Lou et Titine et en version originale anglaise (oui je suis fière, sorry)