Sur la Presqu'ile tout vit et meurt par l'usine. Une usine morte à son tour mais toujours présente dans les arbres noirs de la forêt empoisonnée, dans les animaux devenus étranges, dans les ouvriers qui errent désoeuvrés, dans les gens qui meurent ou deviennent fous victimes de maladies sans nom. Dans l'Infraville, construite jadis pour loger les employés, avec la fermeture s'est éteint l'espoir, celui de trouver du travail, d'avoir un avenir ou même de pouvoir croire aux promesses d'inocuité des produits fabriqués et répandus à la grande époque. Plus d'illusion désormais, la Presqu'ile est empoisonnée jusqu'à la moelle, comme ses habitants, et nul n'imagine pouvoir quitter ce lieu délétère. Sans doute est-ce la raison pour laquelle personne n'a jamais vraiment cru la version officielle expliquant les disparitions. D'ici, même les jeunes garçons ne fuient pas volontairement. Chacun en silence le sait comme chacun sait aussi que personne jamais ne cherchera réellement à savoir ce qui s'est passé, ce qui se passe encore...
Je suis très partagée sur ce roman, mon premier Burnside. D'un côté j'ai apprécié la poésie de son écriture et mon goût pour les ruines urbaines et industrielles m'a rendue plus que sensible au charme méphitique de l'usine abandonnée, des arbres noirs, du chimiquier à moitié désagrégé, des hangars s'affaissant lentement rongés par quelque substance aussi pernicieuse que mortelle. Le personnage principal, Léonard, m'a plu également, un adolescent certes assez classique du roman d'apprentissage, à la fois paumé et intelligent, pragmatique et vulnérable, mais doté de suffisamment d'appétit de vivre pour apprécier la corruption poétique et symbolique de son lieu de naissance. Mais là où j'ai eu du mal à suivre l'auteur, c'est dans sa narration car finalement, hésitant entre roman symbolique voire métaphorique - la société rongé par la pollution, social - infraville et extraville définitivement séparées par la frontière invisible de la corruption à moins que ce ne soit celle de la pauvreté, policier - qu'est-il arrivé aux jeunes disparus, sans compter d'autres pistes que je n'ai pas toujours comprises mais qu'il m'a bien semblé reconnaitre - notamment sur la dimension sacrée de l'endroit, l'auteur a fini par me perdre et, ne concluant sur aucun point, par me laisser insatisfaite sur tous. Sauf sur l'insolite poésie de la pollution peut être... Un auteur fascinant par son style et ses thèmes mais qui m'a considérablement laissé sur ma faim.
John Burnside - Scintillation - Métailié - traduit de l'anglais par Catherine Richard - 2011
Lu dans le cadre du prix Kiltissime organisé par la gaéliquissime Cryssilda
PS : Au départ, je pensais que scintillation était un mot inventé pour l'occasion (le roman s'appelle Glitter en anglais) mais non, ce mot existement vraiment... je suis fort aise d'avoir amélioré mon vocabulaire !