Sur la petite ile grecque de Naxos, Eleni mène une vie tranquille, peut être un peu ennuyeuse, entre son mari, ses enfants et la routine immuable d'un village où tout le monde se connait. Seul son travail de femme de chambre dans un hôtel pour touristes lui ouvre parfois une fenêtre sur le monde, une occasion de rêver un peu en imaginant les endroits d'où viennent les clients. Un matin dans la chambre d'un couple parisien - ville qui l'a toujours fait rêver - elle bouscule une pièce d'échec et se trouve incapable de la replacer. Intriguée, Eleni offre un jeu d'échec à son mari pour son anniversaire et sa vie, calmement, bascule...
Ce petit roman nous offre ici une bien jolie variation autour de l'émancipation féminine. Eleni a été une enfant douée à l'école mais depuis longtemps son quotidien s'est rétréci. En s'intéressant peu à peu aux échec, elle retrouve le plaisir de faire fonctionner son esprit, d'apprendre, de se mesurer à elle-même et à d'autres mais se faisant elle égratigne son image de mère de famille normale et inquiète son entourage, incapable de comprendre cette dérangeante excentricité. Contre toute attente, Eleni, pour la première fois de sa vie, ne se laisse pourtant pas dicter sa conduite. Sans éclat ni revendication elle campe sur ses positions, refusant d'abandonner cette part d'elle-même qu'elle vient de découvrir. Dans un style fluide Barbara Henrichs nous brosse ici une savoureuse galerie de portraits dans un cadre pittoresque tout en abordant par petites touches, sans drame ni grandiloquence, le délicat sujet de la libération d'un esprit. Limpide !
La joueuse d'échecs - Bertina Henrichs - Liana Lévi - 2005
PS : Personnellement j'ai particulièrement apprécié l'inventivité des cachettes d'Eleni pour son jeu d'échec...
PPS : L'auteure allemande a écrit ce roman si grec en français... Je suis censée le classer où moi ?