La chute d'Hypérion se situe juste dans la foulée du précédent roman - Hypérion donc merci de prendre des notes, nous plongeant directement dans l'action. Nous avions laissé six pélerins s'avançant ensemble vers les tombeaux du temps au devant du monstre qui devait prendre la vie d'au moins cinq d'entre eux mais peut être exaucer le souhait du sixième... Seulement la rencontre ne se fait pas comme ils l'attendaient, séparés, ils se perdent de vue, patientent, se retrouvent, attendent encore, tiraillés par la faim, la soif, la peur et l'inconfort, ne sachant plus s'ils souhaitent ou redoutent la venue de ce Gritche qui joue avec eux au chat et à la souris. Dans le même temps, le Retz tout entier s'embrase sous la poussée des extros, sous le regard mi-blasé, mi-acéré d'un second cybride de John Keats, promu "conseiller artistique" de la présidente de l'Hégémonie ; l'univers tel que le connaissent des milliards d'humains s'effondre ou peut être implose, remettant en cause la survie pure et simple de l'humanité.
Si la construction d'Hypérion s'inspirait des contes de Cantorbery, sa suite s'ancre clairement dans l'Apocalypse - celle de Jean j'imagine, telle que lue et digérée par tant de poètes à travers les siècles. La construction est beaucoup plus fragmentaire, explosée que celle du précédent tome, les éclats d'actions s'enchainent, courts et scintillants, mettant en scène tantôt les pélerins, tantôt quelques personnages clés du Retz et le puzzle qui se met en place est aussi complexe qu'horrifique. Trois cent pages grandioses et effroyables, ou chaque acteur, chaque geste posé apparait prisonnier d'une vaste fresque déjà prévue et verrouillée. L'ensemble est glauque, noir, effrayant et, pour moi, assez fascinant. Malheureusement dans le dernier quart du roman, l'auteur semble avoir perdu le contrôle et s'être enferré dans un salmigondi mystico-chrétien des plus pénibles à lire, pour finir par une pirouette totalement décalée par rapport à la noiceur du récit. A vrai dire la fin ne m'a pas tant dérangée que cela, même si elle est assez loin de la puissance du premier roman, mais les cent pages précédentes furent laborieuses. Cela dit je ne jeterai pas le bébé avec l'eau du bain (C'est le cas de le dire, comme me le faisait remarquer mon bien aimé colecteur) car les premiers trois-quart m'ont enchantée, je vais donc choisir de rester sur cette impression, en espérant que la suite des Cantos - Endymion pour commencer - sera à la hauteur des meilleurs morceaux de Simmons. Apocalyptique !
L'avis incontournable de Thom que j'ai bien hâte de lire moi-même !
La chute d'Hypérion - Dan Simmons - 1990 - traduit de l'anglais par Guy Abadia - 1992 - Robert Laffont (édité en poche chez Pocket)