Beowulf est un long poème épique anglo-saxon, composé ou du moins fixé vers le VIIe siècle et transcrit au Xe siècle de notre ère essentiellement en saxon occidental. Il est considéré comme une des œuvres majeures les plus anciennes de la littérature « anglaise ».
Quelque part au Danemark, la cour de Heorot est régulièrement ravagée de nuit par un monstre qui dévore les guerriers dans leur sommeil. Personne ne semble pouvoir résister à ce Grendel, quand survient Beowulf, héros fameux du sud de la Suède qui, ayant entendu parler des épreuves subies par le roi Hroôgard, vient mettre sa force à son service.
Ainsi commence l’épopée de Beowulf qui retrace trois hauts faits d’arme du héros éponyme, deux réalisés dans sa jeunesse à la cour du roi Hroôgard donc et le dernier, cinquante ans plus tard, alors qu’il est lui-même devenu roi des Gauts. Pendant longtemps, semble-t-il ce poème n’a été reconnu que pour ses valeurs historique et linguistique. En 1936 cependant, un professeur de philologie et d’anglo-saxon de l’université d’Oxford, lors d’une conférence restée fameuse, révolutionnera la perception de ce poème en en montrant la puissance littéraire et poétique. Pas de suspens, ce professeur s’appelait John Ronald Reuel Tolkien.
Est-ce grâce à lui que la « magie » de Beowulf nous est aujourd’hui si aisément perceptible ? En partie sans doute. Pour les lecteurs contemporains, à l’imaginaire nourri de fantastique tant par les livres que par les films, la portée fictionnelle et disons universelle de la lutte de Beowulf contre les monstres est immédiatement perceptible. Mieux l’influence de ce poème sur la littérature fantastique, autant dans l’œuvre de Tolkien lui-même que dans celles de ses "admirateurs" ensuite, est réjouissante. L’arrivée de Beowulf et de ses compagnons dans la grande salle étincelante de Heorot fait irrésistiblement penser à l’arrivée d’une partie de la communauté de l’anneau à Medulsed et la représentation visuelle du film de Peter Jackson, qui a respecté l’inspiration scandinave d’Edoras, fait honneur à cette filiation. Gollum, sa préférence pour les lieux souterrains, ses affinités avec l’eau et disons ses appétits rappellent immanquablement Grendel comme l’histoire de Smaug dans Bilbo fait largement écho aux ravages du Dragon brûlant tout le pays après le vol d’une coupe d’or de son trésor, ravages qui provoqueront l’intervention et la mort de Beowulf parvenu au terme d’une longue vie. Au-delà de Tolkien, la vision du héros, fameux par ses quêtes ou ses muscles, devenus roi grâce à sa sagesse ou ses vertus (guerrières les vertus mais néanmoins) nous est familière et acceptable. Tout comme la voyage initiatique et le combat contre des monstres font aisément sens pour nous, rappelant des affrontements plus symboliques, lutte intérieure contre ses propres démons ou autres.
Quelles qu’en soient les raisons profonde, et je dois le dire à mon immense surprise car je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus rébarbatif, lire Beowulf est un pur plaisir épique et poétique, plein de bruits de batailles, d’aventures merveilleuses et d’exploits retentissants. Fantastique !
Beowulf, édition bilingue français westsaxon, traduction André Crépin, Le Livre de Poche, 2007
l'avis d'Isil pour cette lecture commune qui nous a mené à deux doigts de l'asphyxie mentale...
Middle earth challenge - Catégorie (apprentis) Valar
PS Et je ne vous ai pas parlé de l'image de l'ours, le nom de Beowulf "loup des abeilles" ferait référence à l'ours. Beorn dans Bilbo est un changeur, homme ours ou l'inverse qui déploie ses compétences guerrières surhumaines sous sa forme animale (on retrouve ce "protecteur", Barak, à peine modifié dans la Belgariade d'Eddings d'ailleurs), mais Arthur fils d'une autre mythologie a lui aussi des affinités avec cet animal... Il faudrait creuser là (et le premier qui me rétorque mi-ours mi-sanglier gare !)
PPS Et je ne vous ai pas parlé non plus de l'introduction de références chrétiennes dans ce qui est très certainement une légende d'inspiration scandinave antérieure à l'introduction du christianisme...
PPPS Et j'ai parcouru aussi la version west saxonne, il y a des mots superbes : Theoden, Middgard, Wyrm, Beorn...
PPPPS Il y a vraiment trop de choses dont je ne vous ai pas parlé sur Beowulf... vous devriez le lire tiens !