Après Pastorale américaine, je n’avais qu’une hâte retrouver Philip Roth. J’avais pensé aborder des romans plus anciens et puis finalement je me suis laissée tenter par un autre volume de la trilogie américaine et autant le dire tout de suite je me suis régalée !
De nouveau c’est de mémoire et de fantômes qu’il s’agit. Le translucide et récurrent Nathan Zuckerman rencontre un vieil ami qui lui raconte au cours de six longues soirées d'été la vie de son frère mort depuis 30 ans.
Ira a été un enfant malheureux, jeune juif pauvre orphelin de mère livré à un père brutal… Devenu un jeune adulte inculte et violent, l’idéologie communiste lui ouvre pendant la guerre le chemin de ce qu’il pense être la maturité et l’accomplissement de soi. Son pays étant ce qu’il est, Ira tout en professant des idées progressistes dissimule à tout le monde son engagement formel. Il mène sa vie comme un combat de tous les instants, éternellement insatisfait malgré la réussite, la notoriété, un mariage flatteur avec une star, lui le pauvre est arrivé. Mais ou ? Juste assez haut pour se sentir tomber ! Écartelé entre l’idéalisation d’un engagement total, austère et des appétits plus terre à terre. Il finit par se perdre broyé par la concasseuse du McCarthysme, trahit, traître, seul !
Après la famille idéale et l’intégration, l'auteur demonte un autre pan du rêve américain, celui de la liberté de conscience, d’opinion et d’expression dans les Etats-unis d'après-guerre. Il se perd en digressions infinies et ellipses virtuoses dans un tourbillon d’idées et de vies entrecroisées et contre toute attente brosse au final un portrait étonnamment net de cette société où les convictions aussi sincères et généreuses soient-elles mènent à l’hypocrisie, la dissimulation, puis la peur voire la trahison. Un superbe roman brillant, bavard, décapant… humain aussi !
J'ai épousé un communiste - Philip Roth - 1998 - Gallimard 2001 - traduit de l'américain par José Kamoun