En 1901, Sherlock Holmes est mort depuis 10 ans. Malgré toutes les supplications, les protestations, les menaces et les insultes, son géniteur refuse obstinément de le sortir du gouffre de Reichenbach où il l'a précipité avec soulagement.
Pour faire plaisir à sa mère cependant, Arthur Conan Doyle décide de faire vivre une « dernière » enquête à son détective. Il entend cependant garder le contrôle de la créature et situe l'histoire chronologiquement avant "la dernière affaire". Les dons de spirite d'Arthur ne lui ayant apparemment pas permis de prévoir la destiné de son fils prodigue. Au mois d'août 1901, par la grâce de Mary Doyle, le strand magazine commence la publication du « chien des Baskerville » : le meilleur roman holmesien et une des ses aventures les plus abouties.
La première phrase accroche : « Monsieur Sherlock Holmes se levait habituellement fort tard, sauf quand il ne se couchait pas de la nuit, ce qui lui arrivait parfois. » Sherlock Holmes a toujours aimé ménager ses effets et soigner ses entrées !
L'histoire est connue, un certain docteur Mortimer vient lire au 221bis Baker Street une ancienne légende à base de chien démoniaque et de malédiction familiale. Le surnaturel n'ayant pas l'heur de plaire au détective, il enchaîne sur une mort tout à fait contemporaine et mystérieuse... et voilà Sherlock et John (Watson) engagés dans la sauvegarde de l'héritier d'une vieille et aristocratique famille et la capture d'un sinistre individu.
Ce qui frappe tout d'abord c'est l'atmosphère de ce roman. Le décor sinistre du manoir, la lande désolée, le brouillard anglais que Conan Doyle a toujours su utiliser avec brio, la présence du bagnard évadé rodant dans l'obscurité, sans parler du fameux chien que d'aucuns prétendent avoir vu, tout concourt à baigner l'histoire d'une atmosphère fantastique et angoissante presque gothique. En parallèle le détective est le héros le plus cartésien qui soit (une fois l'impossible éliminé Watson, l'improbable doit être la solution). Professant une foi indéfectible dans le rationalisme et la science, c'est par la raison qu'il vient à bout de ce mystère.
Je pense que c'est ce mélange de pur positivisme et d'atmosphère fantastique et brumeuse qui fait encore aujourd'hui l'intérêt des aventures de Sherlock Holmes. Certaines de ses nouvelles en sont une parfaite expression, "le ruban moucheté", "l'horreur de Deptford" ou "les cinq pépins d'orange" par exemple.
De plus, contrairement aux trois autres romans du « canon », la narration est totalement maîtrisée. Les évènements s'enchaînent harmonieusement sans temps mort ni relâchement. L'intérêt ne fait que croître pour culminer dans un dénouement parfaitement amené. Un exercice de virtuose que Conan Doyle a toujours très bien exécuté dans ses nouvelles mais qu'il maîtrisait beaucoup moins dans ses romans affaiblis par de longues digressions plutôt ennuyeuses.
Le chien des Baskerville est le joyau de la série holmesienne, un classique entre les classiques ! A lire et à relire...
Pour mémoire le « canon » est le nom donné à l'ensemble des quatre romans et des 56 nouvelles qu'Arthur Conan Doyle a consacré à son (trop) célèbre détective. Les ajouts, y compris ceux d'Adrian Conan Doyle et John Dickson Carr pourtant quasiment parfaits dans la continuité du style, n'y sont pas admis !
Le chien des Baskerville - (The hound of the Baskervilles) - Arthur Conan Doyle - 1901 - 154 pages