Sur cette trame historique, tout ce qu'il y a de plus véridique, Dominique Fortin a choisi de broder non seulement le destin de ces marins perdus dans les glaces, mais aussi celui des femmes qu'ils ont laissées derrière eux, préparées à une longue absence certes mais dont la solitude grandit à mesure que les mois puis les années passent.
La construction fragmentée, polyphonique de ce roman est originale et prenante, alternant les mondanités tourbillonantes mais un peu vaines des dames de la bonne société victorienne et le voyage immobile du capitaine Crozier plus axé sur l'expérience spirituelle que sur l'horreur de sa lente agonie enfermé dans le vide et la promiscuité. Des extraits de son journal de bord alternent avec des fragments de dialogues, des poèmes, des souvenirs voire des recettes de cuisine ou des extraits de pièces de théatre.
D'une certaine façon, ce qui fait la force de ce roman, cette alternance d'époques, de continents, ce contraste ciselé entre la mort glacée et la bonne société victorienne peut probablement en être aussi la faiblesse. Car si l'histoire de lady Jane, la femme de Sir Franklin, et de Sophia sa belle-fille pour laquelle Crozier nourrit un amour sans espoir, est sans conteste ce que j'ai le plus apprécié, le journal du commandant du Terror quoique fort bien écrit avec pudeur et sensibilité ne dégage pas l'émotion brute qu'une telle tragédie peut générer. D'une certaine façon c'est ce qui m'a plu mais c'est aussi ce qui a déçu Ys par exemple. En tout état de cause, une très belle variation écrite sur une partition qui a déjà inspiré plus d'un auteur.
Du bon usage des étoiles - Dominique Fortier - 2008 - Editions Alto
Les avis conquis de Cuné, Fashion et Caro(line) que je remercie pour son prêt , moins convaincu de Ys et Louis, ce roman a été la recrue du mois de décembre 2008 sur le blog du même nom.
Du bon usage des étoiles doit être bientôt adapté à l'écran par le réalisateur Jean-Marc Vallée.