
Devrais-je rappeler la trame ? Dans un coin perdu du Yorkshire, un jeune garçon, tour à tour gâté, rabaissé jusqu'à la déchéance puis trahit dans un amour passionel et exclusif exerce une vengeance implacable qui viendra à bout de deux familles et s'exercera jusque sur les descendants de ceux qui l'ont offensé.
Tout le monde connait ce huis clos démoniaque, violent, cruel niché dans l'écrin d'une lande désolée, battue par les vents où se dressent deux vieilles demeures aussi sombres que les sentiments de leurs habitants.
Ce qui m'a surpris à la lecture c'est à quel point mon ressenti avait évolués par rapport à ma lecture d'adolescente. Je me souvenais parfaitement de l'ambiance gothique et du personnages d'Heathcliff mais j'avais à peu près tout oublié de celui de Catherine, son égoïsme absolu, sa violence particulière dirigée bien plus contre elle-même que contre tout autre. Et je n'arrétais pas de penser à l'auteure. Où donc a-t-elle été chercher cette démence obsessionelle, cette tension incroyable qui habite les pages de son unique roman. Je n'en ai aucune idée. Aucun de ses personnages n'est seulement sympathiques, trop tourmentés, trop cruels même quand ils semblent représenter le côté lumineux de l'intrigue, si tant est qu'il y en ai un. Et pourtant il est impossible de les laisser, impossible de ne pas les suivre jusqu'au bout dans cette course infernale et morbide, jusqu'au soulagement ténu de la toute fin.
Je me suis aussi demandé pourquoi Heathcliff, homme brutal si totalement implacable, si absolument cruel, exerçait une si grande fascination depuis un siècle et demi. Je suppose que l'amour absolu qui l'habite lui vaut rédemption dans l'esprit du lecteur, comme le personnage d'Hareton semble une rédemption symbolique dans l'histoire elle-même. L'écriture d'une puissance exceptionnelle avec des moments de magie absolue y est pour beaucoup - La prière démoniaque d'Heathcliff après la mort de Catherine, j'en frissone encore - mais il y a plus, le huis-clos irrespirable est le fruit d'une construction extrèmement rigoureuse qui contraste avec ces transports physiques et mentals qui mènent volontairement à la mort. Pour Emily on pouvait mourir d'amour, de fureur, de vengeance... Grandiose !
Les Hauts-de-Hurlevents - Emily Brontë - 1847
Pour le plaisir, la première scène du film de Peter Kosminsky (1992)... (vous ne l'entendrez pas beaucoup mais la musique est de Ruichi sakamoto)