
Telle est l'entrée en matière du quatrième de couverture de la mariée mise à nue et je la trouve (pour une fois) assez bien tourné, disant tout sans rien révéler.
Depuis longtemps j'avais envie de découvrir ce livre, tout d'abord parce que les deux romans déjà lus de l'auteure m'ont particulièrement plu, ensuite parce que l'idée d'un journal intime dévoilant la face cachée d'une "femme heureuse" me tentait beaucoup. Grâce à Fashion j'ai pu enfin le dévorer et j'en suis ressortie assez pantelante.
Car pour le dévorer, je l'ai dévoré ! Je me suis précipitée dans ce roman décalé dans sa forme, bizarrement découpé, au style déroutant, au propos souvent cru, à la profondeur dérangeante. Une fois lancée, impossible d'arrêter, à l'affût de la prochaine découverte de cette femme anonyme, sa prochaine victoire, sa prochaine défaite. Car elle s'est lancée dans la quête la plus déconcertante qui soit, elle-même.
La première chose qui vient à l'esprit quand on parle de ce roman c'est le sexe bien sûr car il en est beaucoup question dans ces pages et en même temps il ne m'a pas tant semblé au coeur des choses (si j'ose dire !). Au cours d'un voyage de noce tardif, la narratrice qui s'interroge paresseusement sur les changements insidieux qui se sont installés dans sa vie de couple, se voit confrontée pour la première fois à un doute sur la conduite de son mari si rassurant. Tout à coup réveillée, elle se lance dans la rédaction d'un journal qui serait le pendant d'un petit ouvrage du XVIIIe decryptant sur le mode sincérité/cynisme les rapports homme femme.
En même temps, j'ai peine à croire que son mari ou sa prétendue infidélité soit au centre de ce récit. A aucun moment elle ne s'interroge sur la réalité de la chose, elle ne cherche même pas à vérifier quoique ce soit, le soupçon d'un instant lui suffit pour oser enfin regarder son couple et disséquer lentement les petites concessions qui l'ont amené insensiblement à ce qu'il est devenu, un arrangement solide en apparence mais dans lequel elle n'existe pas.
Et peu à peu c'est moins son couple et son mari qui sont envisagés que sa propre attitude devant les autres. Que ce soit devant son mari, sa mère ou sa meilleure amie, elle est immuablement parfaite, conciliante, consensuelle, toute d'apparence et de renoncement. Renoncement à ses idées, ses principes, son métiers, son autonomie, ses envies voire ses fantasmes... et si c'est bien là que se trouve le déclencheur de cette révolution intime, sa mise en oeuvre est bien plutôt dans l'écriture que dans le sexe. Peu à peu en se regardant vivre, en osant écrire noir sur blanc les pensées qui se dissimulent aux limites de sa conscience, elle entreprends une reconquête profondément personnelle.
Le choix de Nikki Gemmell d'écrire à la deuxième personne accentue l'idée de l'observation de soi, un peu froide, un peu clinique et nous associe du même coup à cette démarche, provocant une sorte de complicité avec cette femme mais mettant aussi par contrecoup le lecteur dans la position destabilisante du voyeur absolu.
Un roman plutôt perturbant et peut-être difficile à caser dans une catégorie coup de coeur... mais j'ai eu bien du mal à passer à autre chose ensuite... A couper le souffle !
La mariée mise à nue - Nikki Gemmell - 2003 - traduit de l'anglais (Australie) par Alfred Boudry - Au diable Vauvert 2006
Les avis de Fashion (que je remercie pour son prêt), Gaëlle (qui est revenue !), Thom (qui aimerait écrire le pendant masculin de ce roman, se lancera-t-il ?), Yvon, Cuné, Stéphanie, Joelle, Camille, Solenn, Lily, j'en oublie certainement...